Jane et moi, c'est une longue histoire d'amour... Ma mère me racontait déjà son histoire quand j'étais petite, je l'ai lu et relu en français, et je l'ai également découvert en anglais dès que mon niveau est devenu suffisant. C'est aussi le premier livre que je lis en entier sur l'iPad. J'ai donc sauté sur l'occasion d'une lecture commune pour vous en parler, enfin...
Résumé :
Dans l'Angleterre rurale du XIXème siècle, la petite Jane est élevée par sa tante, Mrs Reed. La petite orpheline imposée à sa famille d'adoption est détestée par sa tante, tourmentée par ses cousins, et trouve peu d'affection auprès du domestique. Un jour où une punition particulièrement injuste lui cause une crise de nerf, le médecin conseille de l'envoyer en pension et Mrs Reed saute sur l'occasion pour se débarrasser de la petite fille encombrante. Mais à la pension Lowood, la vie n'est pas rose pour les enfants...
Mon avis :
Que dire d'un tel monument de la littérature anglo-saxonne ? J'ose à peine imaginer les milliers de pages d'analyse de cette oeuvre, les millions de petits anglo-saxons qui se sont obligés de le lire à l'école, les conférences, les thèses de doctorat, les adaptations... Mon petit avis a peu de poids face à tout ça !
Qu'à cela ne tienne : je pense que vous serez intéressés de savoir ce que moi, j'y trouve. J'ai lu un jour une citation très juste : "Un bon livre est celui qu'on retrouve toujours plein après l'avoir vidé". C'est tout à fait ce que je ressens en lisant et relisant ce livre.
La première fois, j'étais envoûtée par l'histoire, les aventures de cette pauvre orpheline qui se bat pour trouver une place dans la société. Sa soif d'affection étant enfant, ses souffrances à Lowood, son histoire d'amour avec Mr Rochester est tourmentée et romantique à souhait, son errance, ses espoirs... Tout est si bien décrit qu'on les ressent avec elle. Cette héroïne fait partie de mes préférées : elle est juste, vraie. Elle ne s'appitoie pas sur son sort, reste intègre et fidèle à ses principes sans que ceux-ci ne l'empêchent d'être heureuse. Elle n'est pas sans défaut et elle le reconnaît. Je m'attache à elle à chaque fois que je relis ce livre, c'est autant une enfant qu'une jeune femme remarquable.
Aux lectures suivantes, j'ai pris le temps d'apprécier le style narratif. Certains le trouveront un peu lourd à cause de son caractère classique, mais ce n'est pas mon cas. Chaque mot est bien choisi - en anglais, et en français les traductions sont généralement excellentes. Les descriptions sont surtout centrées sur les sentiments de Jane qui reste très sensible au travers de toutes ses aventures, et les sensations qu'elle dépeint gardent une actualité et une universalité étonnantes. Elle parle de mélancolie, de joie, de bonheur ou de toute autre chose avec une telle vérité que le lecteur, même deux siècles plus tard, s'y reconnaît. Ce qui nous permet de vivre ce roman comme si on y était, et ce qui fait probablement son succès au cours du temps.
Par la suite, alors qu'après maintes lectures je connais ce roman presque par coeur, je peux un peu prendre mes distances et le regarder avec l'oeil de la lectrice du XXIème siècle que je suis. J'aime alors y lire la modernité des vues de Charlotte Brontë. La pauvre Jane se trouve dans la situation sociale la pire qui puisse exister à l'époque : née et élevée comme une petite fille riche, intelligente et cultivée, elle n'a pourtant aucune famille sur laquelle compter et aucun droit en société. Elle se trouve entre deux classes sociales et n'appartient à aucune des deux, une situation que les soeurs Brontë connaissent d'autant mieux qu'elle est la leur. Comme la soeur de Charlotte, Anne, Jane Eyre va se tourner vers la seule situation qui lui soit accessible, celle de gouvernante.
Le problème est que Jane a un caractère et une volonté très affirmés ainsi qu'une passion et une soif d'affection qui se marquent dès son plus jeune âge. Si elle parvient à se dominer en grandissant, se conformant aux attentes vis-à-vis de son sexe et de sa classe sociale, elle reste sensible, rêveuse et volontaire à la fois. C'est pourquoi elle sera attirée vers le premier esprit aussi indépendant et intéressant que le sien, Mr Rochester, lequel ne se sent pas non plus tout à fait à l'aise dans la classe sociale privilégiée mais superficielle à laquelle il appartient.
Mais voilà, ça ne pouvait pas fonctionner. Les deux sont trop différents malgré tout, trop marqués par leur éducation. Même si un événement cruel ne venait les séparer brutalement, on sent que les attentes ne sont pas les mêmes. La société non plus ne les accepterait pas, d'ailleurs. Il faudra que le destin se charge d'enrichir l'une et d'appauvrir l'autre pour qu'ils aient enfin le droit d'être pleinement heureux.
Au travers de cette oeuvre, j'ai l'impression que Charlotte Brontë s'est amusée à renverser les barrières sociales qui l'emprisonnent elle-même en créant un conte de fée à sa façon. Ce côté révolutionnaire est moins perceptible à l'heure actuelle, ce qui fait qu'en se remettant dans l'état d'esprit de l'époque, on peut apprécier cette lecture à un autre niveau et apprendre à admirer Jane et sa créatrice pour leur indépendance d'esprit.
Voilà le genre de livre dont je pourrais parler pendant des heures, mais je vais essayer de vous épargner. Mon conseil : lisez-le. Juste pour voir, parce que ça fait partie du patrimoine littéraire mondial et que c'est une oeuvre à laquelle on peut s'attacher, par laquelle on peut se laisser emporter et émouvoir, sans le moindre effort. Et en plus, elle est disponible gratuitement sur internet et très bon marché en version papier... Allez-y, foncez !
La fiche bibliomania du livre :
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