04 septembre 2016

Un dernier verre avant la guerre, de Dennis Lehane


Pour un petit changement de style, je vous parle cette fois-ci d'un roman policier bien sombre et bien prenant...


Résumé : 

"Amis depuis l’enfance, Patrick Kenzie et Angela Gennaro sont détectives privés. Ils ont installé leur bureau dans le clocher d’une église de Boston. Un jour, deux sénateurs influents les engagent pour une mission apparemment simple : retrouver une femme de ménage noire qui a disparu en emportant des documents confidentiels. Ce que Patrick et Angela vont découvrir, c’est un feu qui couve « en attendant le jet d’essence qui arrosera les braises ». En attendant la guerre des gangs, des races, des couples, des familles."
(quatrième de couverture)


Mon avis :

Je ne pourrais pas vous dire comment ce roman s'est retrouvé dans ma PAL audio. Encore l'effet d'une promotion sur Audible, probablement !  J'ai dû m'y intéresser en retrouvant le nom de l'auteur du célèbre Shutter Island, lu il y a longtemps, et j'ai probablement apprécié la voix du narrateur dans l'extrait. C'est souvent comme ça que je fonctionne : j'achète un livre, je l'oublie, et je le redécouvre sans a-prioris. 

Il ne m'a pas fallu longtemps pour situer l'ambiance de celui-ci : on est dans le roman noir, le polar mené par un détective désabusé et cynique dans un milieu où l'humanité n'obéit qu'à ses plus bas instincts. Patrick Kenzie joue ce rôle à merveille : il a eu une enfance difficile, il connaît comme sa poche les milieux les plus défavorisés de Boston, il ne se fait plus d'illusions sur les gens qu'il rencontre et s'est construit une moralité personnelle qui juge moins sévèrement le petit malfrat que le politicien véreux. Dans la lignée du genre "hardboiled" à laquelle il appartient sans contestation, Patrick Kenzie nous fait part de ses réflexions au fur et à mesure de l'histoire, et malgré (ou grâce à ?) son cynisme permanent c'est un narrateur très perspicace qui observe sans tabous les injustices sociales. Sa façon d'envisager les "problèmes de couple" de sa partenaire, Angela Gennaro, m'a frappée par son ouverture d'esprit : il essaie de comprendre et de respecter ses choix, ne remet pas en cause sa force de caractère, même si ce qu'il voit lui fait beaucoup de mal.  Mais la question sociale qui l'interpelle le plus souvent, quasiment en permanence, c'est la question des injustices raciales : blanc dans un quartier défavorisé, il saisit très bien en quoi la vie peut être injuste pour les noirs, et il dévoile sans honte la réalité derrière les stéréotypes.

En-dehors de Patrick Kenzie, il y a toute une galerie de personnages, bien sûr. Il y en a pour tout les goûts : les politiciens pleins de bagout et de casseroles, la femme de ménage noire et fière, le policier qui se laisse aller à un peu de violence, le tueur à gages gentil... C'est typiquement le genre de roman où il n'y a pas de gentils ni de méchants, il y a juste une gamme qui varie entre le monstre et la victime (et même le deux à la fois). Le narrateur n'hésite pas à s'attarder sur chacun d'entre eux juste le temps qu'il faut pour que le lecteur les cerne bien, et fait preuve de beaucoup de sensibilité dans ses descriptions. C'est l'un des aspects que j'ai préféré dans ce roman, ce talent pour décrire une personne ou une situation avec souvent pas mal d'originalité et toujours beaucoup d'efficacité : en quelques lignes, le portrait est fait, l'atmosphère est créée. Le seul défaut que j'ai trouvé à ce niveau-là c'est la position un peu en recul d'Angela Gennaro, la coéquipière de Patrick Kenzie. Elle a sa propre histoire, est présente à la plupart des événements importants et il y a aussi la quasi-obligatoire tension sexuelle entre les deux héros, mais rien que le fait que Patrick soit le narrateur la relaie au second plan. C'est un peu dommage, d'autant plus qu'elle a une personnalité intéressante elle aussi. A quand le polar noir à l'héroïne féminine ?

Point de vue intrigue, ce n'est ni lent ni rapide, il n'y a pas de temps morts et quelques moments bien stressants, on a droit aux fusillades et aux poursuites typiques. Ce qui est remarquable par contre c'est que l'intrigue ne reste pas limitée à l'enquête : Patrick et Angie se retrouvent au coeur d'événements qui vont mettre le feu à la banlieue de Boston. Comme je le disais plus haut, le thème de l'inégalité sociale est omniprésent et donne une nouvelle dimension à ce roman qui est, du coup, plus qu'un simple roman policier. Mais il faut être averti : c'est noir, très noir. On en ressort avec l'impression que l'humanité ne nous surprendra jamais qu'en mal. Plus on avance, et plus le portrait est sombre ; plus Patrick est dégoûté de ce qu'il voit, plus nous le sommes aussi. Ceci dit, c'est bien aussi ce genre de roman : quand on sort le nez des pages, on est contents de voir le soleil briller malgré tout.

En résumé, voici un roman policier très noir, plutôt triste et souvent dur, mais avec une belle dimension sociale qui interpelle encore aujourd'hui, et une plume superbe qui donne vie à des personnages qui échappent à tout manichéisme. J'ajouterai que la narration de l'audiolivre en anglais, par Jonathan Davis, est parfaite : il a le ton désabusé qui convient. J'ai donc déjà ajouté le second tome de cette série dans ma wishlist, et je me suis aperçue au passage que le film "Gone baby gone" est une adaptation d'un autre volume dans la même série.  Tout ça promet bien du plaisir !


Pour en savoir plus : 
- la fiche Bibliomania du livre 
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4 commentaires:

  1. Ha, ça me dit bien. Je viens justement de terminer un roman de Mégane aussi.

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  2. Mon phone me transforme Lehane en Megane, sorry. 😑

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  3. J'adore ce bouquin et cette saga, il y en a plusieurs avec Kenzie & Gennaro ils sont tous excellents.

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