08 mai 2016

American Psycho, de Bret Easton Ellis


Ce roman a fait l'objet du Book Club d'avril sur Livraddict, qui a donné lieu à de longues discussions. Et c'est vrai qu'il y a beaucoup à en dire ! 


Résumé :

Patrick Bateman est l'exemple du golden boy américain des années 80 : riche par héritage, diplômé des meilleures universités, trader à Wall Street, abonné à un club de sport sélect, jongleur de femmes, amateur de drogues, spécialiste de la mode chic... et aussi sujet à des crises d'angoisses et des accès de violence sadique. 


Mon avis : 

Quand ce roman a été sélectionné pour le Book Club d'avril, j'étais ravie : c'est un roman très connu de la littérature américaine que j'avais l'intention de découvrir un jour, mais j'avais besoin d'un coup de pouce pour me plonger dans ce que je savais être un roman très violent (et je suis très sensible, alors je fais attention). J'ai donc pris la peine, pour une fois, de le commencer en avance, histoire de pouvoir faire des pauses en cours de lecture qui me laissent le temps de digérer toute cette hémoglobine que j'imaginais déjà avant d'ouvrir le livre...

J'ai bien fait, mais pas à cause du sang : à cause de l'ennui. Je ne m'attendais pas à ça, mais au bout de quelques dizaines de pages, je me demandais "qu'est-ce que c'est que ce truc ?", au bout d'un tiers du livre je me disais "mais y'en a marre ! faites qu'il se passe quelque chose !" et au bout de la moitié j'étais prête à abandonner. Le problème c'est que j'attendais un tueur en série qui me donnerait envie de vomir ; à la place j'ai eu droit à l'homme le plus arrogant, le plus superficiel, le plus égocentrique, le plus insensible mais aussi le plus vide de sens que j'aie jamais rencontré (et heureusement).  Ce qui serait supportable et même intéressant, si on ne se retrouvait pas de force dans sa tête qui n'est qu'un tourbillon de répétitions. Patrick Bateman retrouve ses amis dans un restaurant hors de prix, il décrit ce qu'il mange, ce que les autres convives portent et la déco (y-compris en citant toutes les marques), il répond à des questions sur les convenances vestimentaires, détaille les "hardbodies" (femmes avec un beau corps) qui passent, sort en boîte, cherche de la drogue, traite sa fiancée comme de la merde, taquine cruellement les SDFs qu'il croise, couche avec l'une ou l'autre femme, va au bureau, ne fait rien, va au sport, va se faire un masque facial, regarde son programme préféré à la télé, va rendre des cassettes vidéos, organise un nouveau souper dans un nouveau restaurant avec les mêmes amis, et recommence. Pas toujours dans le même ordre, pas toujours avec les mêmes convives, mais toujours, toujours la même chose. C'est long, long, long !!! 

Au bout d'un tiers du livre, à peu près, on entre dans le sordide qui va en s'accentuant... et bizarrement, c'est un soulagement. Certains passages sont de plus en plus décousus car Bateman a de gros épisodes psychotiques. Il y a aussi des passages étranges où il donne pendant plusieurs pages (et sur un ton très clair, très journalistique qui contraste avec le reste) son analyse musicale sur un chanteur ou un groupe. Mais le reste, sa vie de tous les jours, est toujours là, dans ses moindres détails, des pages et des pages du vide qu'est son existence... Vers le milieu du livre, j'ai sérieusement songé à abandonner. Il y avait quelque chose de très intéressant à montrer la fatuité d'une existence qui pourtant a absolument tout pour le bonheur : Patrick Bateman est riche, sans souci, il a une occupation, beaucoup d'amis, il est beau et il est même aimé. Mais il est tellement vide qu'il en donne le vertige, et quelque part il le sait, il est d'ailleurs toujours au bord du gouffre, c'est peut-être pour ça qu'il tue. Il m'a fait penser à Di Caprio dans Le Loup de Wall Street, la passion en moins. Mais du coup, oui, c'est du déjà vu... Et j'avais surtout envie de hurler "c'est bon, j'ai compris le message, on passe à autre chose ?".

Quelque part vers le troisième tiers du roman, pourtant, quelque chose s'est passé. Je crois que c'est le moment où j'ai compris que j'étais hypnotisée par toutes ces répétitions, tous ces détails. A force, l'auteur, qui mine de rien maitrise sa plume d'une façon incroyable, nous oblige à entrer dans la tête du monstre, à être presque aussi blasés que lui par ces rares moments de passion où il se permet une violence inouïe. Ce n'est pas un roman d'horreur, tout est raconté avec beaucoup de détachement. Et nous aussi on se détache. J'étais de plus en plus partagée entre l'attente impatiente de la violence et l'espoir qu'il se ferait prendre, enfin. C'est effrayant de se sentir manipulée à ce point !

Un autre aspect qui m'a encouragée à finir le livre, c'est le doute constant sur ce qui fait partie de la réalité et ce qui n'est que du fantasme dans la tête de Patrick Bateman. Au fur et à mesure, les doutes s'accumulent, les meurtres deviennent invraisemblables, certains amis affirment avoir vu un homme qu'il a assassiné, des corps disparaissent. Quand il avoue ses meurtres à son entourage, personne ne semble l'entendre. Il laisse des tonnes d'indices derrière lui, ne se soucie de rien, et pourtant n'est jamais inquiété. Au fur et à mesure, on se met à douter de tout ce qu'il dit : est-ce qu'il a vraiment commis tous ces meurtres et ces autres actes cruels et invraisemblables ?  Est-ce qu'il tue pour avoir un exutoire à ses psychoses, ou est-ce qu'il imagine ces meurtre pour avoir un échappatoire mental ?  Bien sûr on n'a pas de réponse ferme, mais les indices s'accumulent, dans un sens et dans l'autre, les interprétations aussi, et j'ai aimé me faire ma petite idée, comme dans une sorte de polar étrange.  Même le titre sème le doute : "psycho" pour "psychopathe" ou "psychotique" ?

En bref, c'est un roman absolument fascinant, mais aussi une de mes lectures les plus pénibles. Si j'ai persévéré, c'est parce que justement il y a beaucoup de questions en suspens, beaucoup d'éléments à interpréter, je ne vous en ai donné qu'un petit aperçu dans cette chronique. C'est le genre de livre qu'on est content d'avoir terminé mais qui reste longtemps en tête. C'est aussi le genre de livre à propos duquel il faut absolument se faire sa propre opinion, tout en étant prêt à faire un effort pour lui laisser sa chance. 


Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- acheter ce livre sur Amazon
- la discussion du Book Club

4 commentaires:

  1. J'ai aussi tenté la lecture de ce roman il n'y a pas longtemps mais contrairement à toi je n'ai pas persévéré... Peut-être que je réessaierai, en tout cas ton avis m'en donne envie !

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  2. J'ai eu beaucoup de mal avec ce livre : la violence à outrance était inutile et les descriptions trop longues...

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  3. Inutiles je ne sais pas, parce qu'au final c'est ce qui rend le livre hypnotique si on persévère, mais c'est vrai qu'il faut du courage parce que c'est très long et très violent.

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  4. Je l'avais entamé pour le bookclub justement, et non, au bout d'une dizaine de pages j'étais déçue. Du coup ton avis me rassure, je ne suis pas seule. Bon comme je n'abandonne jamais les livres, je le recommencerai c'est sûr. Assez rapidement d'ailleurs sinon je vais l'oublier.
    Beaucoup de monde en ont parlé mais pourquoi? Il a été adapté au cinéma?

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