31 janvier 2016

La ballade de la mer salée, d'Hugo Pratt


Juste avant la fin du mois, voici ma première participation au challenge "Un genre par mois" : une superbe bande-dessinée, les premières aventures du fameux Corto Maltese !


Résumé : 

Dans les mers de Mélanésie juste avant la première guerre mondiale, Corto Maltese, capitaine sans bateau après la mutinerie de ses marins, est récupéré par Raspoutine, pirate sans scrupules. Tous deux ont un même patron, le mystérieux Moine, qui les emploie à pirater des bateaux de charbon pour les revendre à la marine allemande. Mais Raspoutine a aussi récupéré deux naufragés, les cousins Pandora et Caïn Groovesnore, héritiers d'une riche famille d'armateurs australiens. Pris entre la cupidité de Raspoutine, les mysérieux desseins du Moine, les sauvages des îles de la région et les enjeux politique d'une guerre qui va bientôt éclater, les deux jeunes naufragés auront bien besoin de la protection de Corto...


Mon avis :

Ca fait un certain temps que je voulais redécouvrir les aventures de Corto Maltese, le héros le plus sexy de la bande dessinée. Je les ai découvertes une première fois il y a plus d'une dizaine d'années, mais j'en garde peu de souvenirs. Quand j'ai appris que la bibliothèque municipale de la région d'Helsinki avait plusieurs des bandes-dessinées d'Hugo Pratt, j'ai sauté sur l'occasion et j'ai décidé de commencer par la toute première aventure de Corto. Malheureusement, la bibliothèque ne l'avait pas en français, j'ai dû donc lire la traduction anglaise qui contient, malheureusement, beaucoup de fautes, notamment des dédoublements de mots. Je ne comprends pas comment la traduction d'une bande-dessinée, d'autant plus quand elle est aussi connue que celle-là, peut être aussi bâclée ! 

Ceci dit, c'est la seule chose que j'aie à reprocher à cette lecture. C'est la première fois que Corto Maltese est mis en scène et, même si au départ il se dispute l'affiche avec plusieurs autres personnages principaux, il crève l'écran dès le début. Il reste assez énigmatique, entre pirate et gentleman, entre cynisme et principes moraux, et s'il s'entoure de toutes sortes de brigands infréquentables, il a le chic pour faire ressortir le bon en chacun d'eux. Dès qu'il passe un peu de temps avec eux, les autres personnages se dévoilent et prennent un nouveau relief.  Il faut dire que le charme insolent de Corto transparaît au travers du dessin comme une évidence : sa démarche chaloupée, ses longues jambes gracieuses, son port haltier, les favoris qui encadrent un visage buriné, sa classe en toutes circonstances qui dissimule à peine ses réflexes de panthère toujours sur le qui-vif... Il est beau, il est dangereux, il reste distant mais il encourage la confiance, sans avoir jamais l'air de s'impliquer réellement. Comment un dessinateur a-t-il pu faire passer autant de choses au travers de quelques cases de bande-dessinées ?  

Il faut dire que les dessins sont superbes. Les couleurs sont surprenantes tant elles sont fades, comme si l'auteur avait voulu faire une BD en noir et blanc mais n'avait pu se décider à tout à fait trahir les multiples couleurs de l'océan mélanésien. Ce qui ressort pourtant ce ne sont pas les touches d'aquarelle, c'est l'encre de chine qui dessine les contours et les ombres, qui marque les lignes des visages et trace, littéralement, le caractère de chacun des personnages. Ces visages taillés à la plume sont très détaillés et très expressifs, à quelques exceptions près : dans certains cas où le personnage est en mouvement et en plus petit parce qu'il partage sa case avec d'autres, son visage prend une apparence grotesque, des traits violents presque bâclés qui m'ont choquée. Parfois aussi, l'abondance d'ombres traduites par des taches noires rend l'interprétation de l'image un peu difficile. Mais je n'ai remarqué ces détails très infréquents que parce que j'ai passé toute ma lecture à admirer la précision des dessins et la sûreté du trait qui sont inimitables.  Cette bande-dessinée fait partie de celles qui ressemblent à une oeuvre d'art autant qu'à une histoire.

Pourtant, l'histoire y est bel et bien. C'est un récit d'aventure chargé de rebondissements, de jeux de dupes, de dangers et d'injustices. La "surprise" principale concernant l'un des personnages m'a paru un peu surfaite car j'ai deviné très tôt la vérité, mais en-dehors de ça, la "ballade" est prenante et dépaysante. L'auteur n'hésite pas à interrompre son récit pour y intégrer une touche de folklore, une chanson ou une légende, ce qui fait qu'entre deux scènes d'actions, on se retrouve tout à coup à partager la mélancolie d'un coin du monde en plein bouleversement. Les décors sont aussi particulièrement recherchés, et on se surprend au détour d'une page à sentir le sel de la mer et la douceur de la brise. Cette bande-dessinée est un vrai dépaysement d'un bout à l'autre.

J'ai d'habitude beaucoup de mal à parler d'une bande-dessinée car les images portent un sens que j'ai souvent du mal à mettre en mots. Mais là, aucun problème : Corto m'a séduite et comme une amoureuse transie, je pourrais vous parler de lui pendant des heures. Mon avis pourrait pourtant se résumer en une seule phrase : lisez-le, plongez dans la mer salée et partagez la ballade de Corto et de ses compagnons. Quant à moi, j'ai déjà réservé à la bibliothèque le tome suivant de ses aventures. 

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