23 septembre 2015

Le vagabond des étoiles, de Jack London


Je continue à rattraper mon retard de chroniques avec quelque chose d'un peu plus récent : le livre qui a fait l'objet du Book Club d'août !


Résumé :

Le professeur Darrell Standing n'a plus que quelques jours à vivre : il attend d'être pendu dans la prison de Folsom. Condamné à vie pour le meurtre d'un collègue, c'est un incident mineur qui lui vaudra la corde après des années d'isolement, de sanctions injustes et d'une forme de torture légale, "la camisole". Mais Darrell Standing a appris à s'auto-hypnotiser pour échapper à la douleur et est capable de redécouvrir ses nombreuses vies passées. 


Mon avis :

Encore un livre dans lequel je me suis plongée sans rien en savoir. Je savais juste que Jack London est un auteur américain célèbre que j'avais envie de découvrir (je ne pense pas avoir lu Croc-Blanc, son roman le plus célèbre). Cette lecture a été choisie dans le cadre du Book Club d'août qui avait pour thème les romans d'aventure, je m'attendais donc à un roman de ce genre.

Comme je le soupçonnais en lisant le résumé, les deux thèmes centraux sont la prison et la réincarnation. J'en rajouterais un troisième : l'injustice. 

Dès les premières pages, nous sommes confrontés à la vie en prison de Darrell Standing. Il a commis un meurtre (pour lequel nous n'avons aucune explication à part qu'il a été commis sous le coup de la colère) et est en prison depuis plusieurs années. Lorsqu'il nous raconte son séjour, de façon un peu décousue, l'horreur de ce qu'il subit est de plus en plus perceptible au fil du texte avec beaucoup de détails très terre-à-terre. Heureusement, cette horreur est atténuée par le ton rebelle de sa narration : le responsable de prison a décidé de briser cet homme à tout prix, quite à le tuer, mais il n'a réussi qu'à lui offrir une expérience nouvelle qui va changer sa vie. Je vous rassure, je ne gâche aucune surprise en vous racontant cela : c'est évident dès les premières pages. 

Ce que j'ai appris après avoir refermé le livre, en parcourant wikipédia, c'est que les sévices que subit Darrell Standing ne sont pas, comme je le croyais, des inventions de l'auteur pour rendre son récit plus dramatique. L'isolement pendant des années, ainsi que la "camisole" ("The Jacket" est d'ailleurs le titre de ce roman dans sa version britanique) étaient des sévices légaux et pratiqués à la prison de Folsom à l'époque où il écrit (le roman a été publié en 1915). Jack London s'est basé pour en parler sur le témoignage d'Edward Morrell, un prisonnier dont il a fait un personnage du roman et qu'il a contribué à faire sortir de prison. En sachant cela, ce roman prend tout à coup l'allure d'un plaidoyer très puissant contre les lois hyper-sévères de l'époque (Standing est finalement condamné à mort pour avoir apparemment donné un coup de poing à un gardien) et contre les excès du monde carcéral. 

Le deuxième aspect, la réincarnation, est au centre de l'intrigue elle-même et lie les différents récits qui la composent. Le narrateur revoit ses vies passées et nous en parle, soit en détails, soit de façon plus poétique ; parfois les récits portent sur une longue période, parfois sur un seul incident. Quelques-un sont ancrés dans une réalité historique (il paraît que Jack London a repris certains textes qu'il comptait utiliser dans des livres d'histoire). Certains récits ont une conclusion, d'autres non, mais ça ne m'a jamais dérangée : le narrateur navigue dans son passé comme dans des rêves et, bien qu'il fasse l'effort de nous présenter chacune de ses histoires dans une logique chronologique, parfois il ne peut pas tout reconstruire ou n'a pas le temps de tout raconte - après tout, ses heures sont comptées... Toutes ces intrigues individuelles pourraient donner un côté très décousu au roman mais les retours fréquents en prison les maintiennent fermement en place. Ce qui est plus ennuyeux, ce sont les longs monologues poético-philosophiques sur la réincarnation que nous impose le narrateur qui essaie visiblement de nous convaincre. Je les ai trouvés un peu trop abondant et assez vite fatigants, surtout quand on attend avec impatience la suite du récit.

Le troisième et dernier aspect important, c'est l'injustice. Si les différents récits enchâssés et le récit du narrateur en tant que prisonnier sont très variés, ils ont au moins une chose en commun : l'injustice du destin et des hommes. Dans chacun, Darrell Standing ou une de ses réincarnations doit subir un destin cruel qu'il ne mérite pas (même s'il n'est pas non plus entièrement innocent). C'est une constante qui ajoute un aspect important au récit, une colère sous-jacente ; mais quand on sait que certains des récits enchâssés ont été écrits dans un tout autre contexte, on ne peut s'empêcher de se dire que Jack London devait avoir une vision bien négative de la vie...

J'ai lu ce roman en version originale est le style est à la fois très vivant et un peu vieilli. La colère de Darrell Standing est bien rendue et son récit est très spontané, juste assez haché et décousu pour rendre réalistes les conditions de sa rédaction. La grammaire un peu "pompeuse" trahit l'âge du récit mais le remet aussi dans un contexte historique. Je ne conseillerais cependant pas la version originale à quelqu'un qui ne maîtrise pas bien l'anglais, les constructions sont parfois un peu difficiles à suivre, d'autant plus que Jack London est assez avare en virgules. 

Pour résumer, ce roman est un très peu récit d'aventures multiples emballées dans un plaidoyer marquant contre le système carcéral de son époque et contre l'injustice de l'homme à toutes les époques. Les passages plus philosophiques gêneront peut-être le lecteur impatient, mais les aventures de Darrell Standing et de ses multiples réincarnations, dont certaines sont basées sur des faits historiques, sont palpitantes et très joliment racontées. Voici donc un autre roman que je conseille et qui m'a donné envie de découvrir un peu plus l'oeuvre de Jack London.



1 commentaire:

  1. C'est un auteur que j'apprécie aussi ! J'avais lu le peuple d'en bas où il se fait reporter et dénonce les pauvres vivant à Londres, mais aussi son très romanesque Martin où il écrit sur la vocation de l'écrivain, l'amour impossible... Bref, une oeuvre diverses et magnifiques... Et je rajoute celui-là que je ne connais pas et que peut-être j'arriverai à lire en VO

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