05 mars 2015

Tous à Zanzibar, de John Brunner


Voici une chronique qui est fort longue et qui ne fut pas particulièrement facile à écrire. Il faut dire que mon avis va à l'encontre de celui de la majorité et de l'avis des autres membres du Cercle d'Atuan en compagnie de qui j'ai lu ce roman et, pour une fois, j'ai voulu prendre le temps de m'expliquer...


Résumé :

En ce XXIème siècle futuriste, la surpopulation est un véritable problème limité par des lois eugénistes très strictes. Les citoyens moyens voyagent par procuration via un nouveau concept de télé-réalité, des bandes de jeunes tuent et cassent impunément dans les rues ou bien se réfugient dans la drogue, le logement est un luxe et de nombreuses familles dorment dehors. Aucune décision importante n'est prise sans consulter de puissants ordinateurs, dont le meilleur, Shalmaneser, appartient à la General Technic Corporation (GT). Dans un petit pays d'Asie, les autorités annoncent qu'un généticien renommé internationalement a trouvé comment créer des embryons aux caractéristiques prédéterminées, promettant ainsi une population parfaite en une génération. De l'autre côté du monde, en Afrique, un petit pays pauvre qui a su mystérieusement échapper à toutes les guerres pense préserver son indépendance en se vendant à la GT...


Mon avis :

Avant de commencer cette chronique, je me permets d'ajouter quelques mots concernant le fonctionnement et le but de ce blog. Je ne suis pas une critique professionnelle et je n'essaie pas de donner d'avis objectif sur les livres que je lis. Etre objective et complète, ça demande beaucoup de travail : je devrais remettre chaque livre dans son contexte, parler de sa place dans la littérature (ce qui implique de s'y connaître suffisamment ou d'enquêter), analyser ses forces et ses faiblesses après avoir construit une réflexion complète.  Je devrais chercher à dire tout ce qu'il y a à dire sur un livre du point de vue du lecteur exigeant qui cherche avant tout une lecture enrichissante et originale plutôt que délassante et facile.  Je devrais mettre en avant l'intérêt par rapport au plaisir.

Ce n'est pas ma démarche ici. Je n'ai ni le temps, ni l'envie de me consacrer à toute cette recherche et cette réflexion. Je choisis les livres que je lis en fonction de mes envies et ce dont je vous parle sur ce blog, ce sont mes ressentis de lectrice sans prétention, qui n'est spécialiste dans un aucun genre littéraire, n'a jamais étudié la littérature et n'a pas nécessairement les clés pour comprendre la richesse d'un texte. Je rate probablement des tas de réflexions très intéressantes, mais j'ai la prétention de croire que je fais partie de la grande majorité des lecteurs : ceux qui lisent pour le plaisir. Ce que je veux savoir avant d'acheter un livre, c'est s'il va me faire passer un bon moment, s'il a une intrigue et des personnages intéressants, s'il sort un peu de l'ordinaire, ce genre de choses. C'est tout ce que je vous propose et j'espère que ça vous convient.

J'écris tout ça parce que "Tous à Zanzibar" est typiquement le genre de roman que j'ai l'impression de ne pas avoir les outils pour apprécier à sa juste valeur. C'est une oeuvre majeure de la science-fiction, encensée par toutes les critiques que j'en ai lues et par mes co-lecteurs du Cercle d'Atuan (à l'exception d'une). L'édition française est précédée par une longue introduction de Gérard Klein, spécialiste de la science-fiction, qui explique sans doute en quoi ce roman, publié en 1968, était et reste visionnaire. Mais je n'ai pas lu l'introduction, d'une part parce que j'avais la flemme (soyons honnête), d'autre part car le point de vue que je veux vous en donner c'est le mien uniquement ; je voulais avant tout vous donner le point de vue d'une lectrice non spécialiste qui découvre le roman sans rien en savoir.  Est-ce un chef d'oeuvre abordable et aussi agréable à lire qu'il est profond ?

Ma réponse : bof.  L'avantage de l'avoir lu en lecture commune divisée en tranches, c'est que j'ai vu clairement mon avis évoluer. J'étais plutôt énervée par le début qui est franchement incompréhensible. L'auteur a choisi de diviser le roman en plusieurs types de chapitres, certains assez compréhensibles et centrés autour d'une intrigue, d'autres racontant quelques intrigues secondaires, d'autres encore des morceaux de phrases, des bouts de conversations, de publicités ou de je ne sais pas trop quoi, qui fournissent une sorte de contexte. C'est une approche intéressante mais le début est bien trop brutal ; le lecteur est plongé dans une longue série de pages qui n'ont littéralement aucun sens pour lui. Et ça c'est quelque chose que je trouve pénible, comme si l'auteur écrivait avant tout pour lui-même sans prêter aucune attention à son public, ou se contentait de lui dire "je suis un génie, tu ne peux pas me comprendre". Je trouve ça prétentieux, mais ça n'a pas dérangé mes co-lecteurs, au contraire.

Par la suite, l'intrigue principale s'éclaire petit à petit et on découvre le monde futuriste (du début des années 2000, mais c'était futuriste pur l'époque de rédaction) dans lequel ils évoluent. Et là, seconde déception : ce monde est très négatif, décadent, le résultat d'une humanité égoïste et imprévoyante sur tous les plans. La plupart des personnages sont très superficiels, l'humanité est surpeuplée, le petit peuple est violent, la société est injuste, bref, l'auteur écrit comme si, pour lui, l'humanité tendait obligatoirement vers le pire.  C'est une tendance très répandue dans la science-fiction et chez les gens en général et je ne trouve ça ni original ni réaliste, même si je suis consciente qu'un roman peut aussi être une forme d'avertissement. Mais encore une fois je suis la seule à avoir émis cette objection.

Par la suite, une fois qu'on entre dans le roman et qu'on s'habitue à ne pas vraiment comprendre un chapitre sur deux (ça s'arrange au fur et à mesure mais ça ne devient jamais limpide), le roman se laisse lire. Il foisonne d'idées pratiques sur l'avenir possible, des détails de la vie courante aux grandes tendances géopolitiques, et sur pas mal de points l'auteur a fait preuve d'une belle capacité de visionnaire. Mais il y a beaucoup trop d'aspects qui sont abordés et qui mériteraient un peu de contexte, un minimum d'explication ; j'aurais par exemple aimé comprendre pourquoi la société décrite tolère autant de violence, pourquoi les gens portent des vêtements en papier, pourquoi la surpopulation n'a pas été évitée plus tôt, etc. On a juste un état des lieux partiel, il manque l'histoire, le contexte. Mais (encore une fois), ça n'a apparemment dérangé que moi. 

Pour finir, l'intrigue en elle-même est assez inégale ; elle commence très lentement, prend réellement forme vers le milieu du livre et s'accélère sur la fin pour se terminer un peu trop brutalement. Les personnages évoluent et nous offrent beaucoup de réflexions assez philosophiques qui donnent lieu à de belles conversations, mais à nouveau on s'éparpille entre l'action, la réflexion, la description d'un monde futuriste sous forme d'avertissement... En bref, ça manque de cohérence. 

Et c'est là qu'on revient au début de cette longue chronique : une fois le début brutal surmonté, j'ai trouvé ce roman intéressant sur certains plans mais pas particulièrement inoubliable. On ne peut pas dire qu'il ait vraiment vieilli mais je lui ai trouvé beaucoup de défauts. D'un autre côté, tous mes co-lecteurs (sauf une), dont la plupart sont bien plus érudits que moi quand il s'agit de science-fiction, ont été conquis ; et c'est aussi le cas de toutes les critiques de ce livre que j'ai vu passer et qui le classent unanimement parmi les chef-d'oeuvres du genre. C'est pourquoi j'insiste sur la subjectivité et la superficialité de cet avis et je vous demande de ne pas me croire sur parole ; lisez ce roman pour vous faire le vôtre ! 


Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- l'avis de Mortuum, ma seule co-lectrice qui n'a pas aimé sa lecture, et à l'inverse celui de Vert, celui de Baroona et celui de Gromovar, tous les trois conquis et qui parlent du livre de façon admirable.
- la discussion du Cercle d'Atuan
- acheter ce roman sur Amazon


3 commentaires:

  1. Si ça peut te rassurer ça arrive aussi de passer complètement à côté de grands classiques ou de livres encensés. Je me dis que c'est pas plus mal que l'auteur ne fasse pas l'unanimité, sinon ça serait suspect ^^.

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  2. Ca me rassure un peu, merci ! Sinon c'est plutôt moi-même que j'ai tendance à trouver suspect(e) :P

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  3. J'avoue que j'ai sauté cette lecture commune, mais ton avis me donne l'impression que je n'ai pas de regrets à avoir !

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