03 novembre 2014

Loeuk... Tchong Kraoy : La dernière fois, de Phiseth Srun


Je succombe rarement aux sirènes des partenariats ou "services presse" car il y a tellement de livres que j'ai déjà très envie de découvrir que je ne peux pas consacrer trop de temps à ceux dont je n'avais pas entendu parler... Mais parfois un éditeur sait me séduire avec un roman sur un sujet qui m'intéresse, un mail alléchant et une gentille dédicace. Merci donc aux éditions VPS (Voir Pour Savoir) pour cet envoi !


Résumé :

Au septembre 1975, les Khmers rouges attaquent Phnom Penh. Zsunara, jeune étudiant Cambodgien, échappe de peu aux évènements. Sans nouvelles de sa famille, il lui faut entièrement reconsidérer son avenir.


Mon avis :

J'ai été plusieurs fois surprise par ce roman. La première chose qui m'a prise au dépourvu, c'est le style pour le moins maladroit. Le vocabulaire est assez classique et les phrases généralement bien construites, d'une façon très scolaire qui leur donne un petit air désuet.  Mais très régulièrement je me suis retrouvée face à une formulation bizarre, quelques guillemets inexplicables ou un dialogue peu naturel, ce genre de choses qui ne posent aucun problème de compréhension mais qui m'ont sauté aux yeux. Il m'a fallu un certain temps pour comprendre que malgré sa très bonne maîtrise du français, l'auteur ne l'écrit pas parfaitement et n'a probablement pas été corrigé. C'est dérangeant pendant un certain temps, jusqu'au moment où l'histoire prend la forme d'un flash-back à la première personne. A ce moment-là, le narrateur maladroit devient un jeune héros étranger, un peu naïf, qui écrit son histoire comme il écrirait une dissertation. Et là, ça fonctionne : le style correspond à l'histoire racontée. Mais je me demande encore d'une part pourquoi il a choisi d'écrire le début et la fin de l'histoire à la troisième personne, et d'autre part pourquoi ces parties-là n'ont pas été corrigées.

Le début de l'histoire nous raconte donc les premier pas de notre héros cambodgien, Zsunara, sur le sol de France, alors qu'en 1975 il fuit les massacres qui ont eu lieu dans son pays. Après quelques dizaines de pages situées en France, il nous raconte à l'occasion d'un long flash-back les aventures qui l'ont mené à quitter le Cambodge juste à temps pour échapper à l'emprise des Khmers rouges et au génocide qui en découlera. Puis, pour le dernier quart du livre, on revient en France où le narrateur recommence à suivre les premiers pas de Zsunara dans son nouveau pays, jusqu'au moment où il décroche son premier emploi (ce qui représente, j'imagine, le début de son intégration).

J'ai été une deuxième fois surprise par le contenu de l'histoire en elle-même. La quatrième de couverture de ce roman nous parle du génocide au Cambodge et des choix difficiles que va devoir faire Zsunara.  C'est pour cette raison que j'ai choisi de le lire : l'histoire du Cambodge et de ce terrible massacre très récent, réactualisé par les procès qui ont eu lieu ces dernières années, me passionne ; j'espérais découvrir le témoignage d'un survivant pour apprendre comment, dans les faits, tout un peuple a pu se faire ainsi prendre au piège. Mais je n'ai trouvé rien de tout cela dans ce livre. Les premières pages du "flash-back" remontent au moment où Zsunara quitte le Cambodge pour passer quelques semaines chez des amis au Laos et à partir de là, il n'aura plus aucune nouvelle précise de son pays ou de sa famille. A part quelques détails ici et là sur l'histoire de sa jeunesse qui donnent un maigre aperçu de la vie dans son pays, il n'y a rien, aucune information sur la guerre civile qui a précédé l'arrivée des Khmers rouges ni sur la montée au pouvoir de ceux-ci, rien concernant la politique ou les sentiments du héros par rapport aux évènements. Il faut dire qu'il est jeune, au point d'écrire sans fards qu'il aurait préféré que son père militaire soit plus corrompu pour que la famille soit plus riche...

Bref, ce qui est raconté ici ce n'est pas une histoire du génocide, c'est l'histoire d'un émigré politique qui s'installe en France. Il n'y a aucun recul historique ou politique, à part quelques informations éparses tirées d'autres sources, ni aucun jugement sur la façon dont il a été accueilli en France. Il y a juste le témoignage d'un jeune réfugié et son parcours individuel pendant les six ou sept mois où sa vie a basculé. Ce qui en soi est intéressant, surtout à notre époque où les positions concernant l'immigration se durcissent : on a rarement l'occasion d'avoir le point de vue de ces gens qui fuient leur pays, de percevoir à quel point ils sont démunis à leur arrivée. Mais le livre est à mon sens mal vendu : il s'agit d'une plongée en France et au Laos par un jeune étranger sans soutiens, sans vraiment de rapport avec le Cambodge ou son histoire tourmentée.

Maintenant que tu es prévenu, lecteur, je me permets quand même de te conseiller ce roman un peu naïf et tendre, facile à lire, cette plongée pour quelques heures dans la tête d'un jeune homme malmené par l'histoire, issu d'une autre culture et un peu perdu dans la nôtre.


Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- l'avis de Bouquinovore qui, contrairement à moi, a été séduit par le style
- acheter ce livre

2 commentaires:

  1. Si tu veux des témoignages sur les exactions des Khmers rouges, je te conseille deux livres que j'ai lus et qui sont poignants : Tu vivras, mon fils de Pin Yathai et Une enfance en enfer de Maley Phcar

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