24 janvier 2014

La nuit des temps, de René Barjavel


Voici encore une chronique en retard, sur un des nombreux livres lus en 2013 dont je dois encore vous parler ! C'est un roman que j'avais lu à l'adolescence et qui m'a laissé un souvenir très mitigé. Qu'en ai-je pensé 15 ans plus tard ?


Résumé :

Lorsqu'une équipe de scientifiques français en Antarctique teste un nouvel appareil pour cartographier le sol sous la glace, elle fait une étrange découverte : non seulement le relief présente des lignes artificielles qui ressemblent à des ruines, mais en plus, ils perçoivent un signal radio venus de profondeurs gelées qui n'ont pas vu la lumière depuis 900.000 ans. Aussitôt, la communauté internationale rassemble ses moyens pour permettre à l'humanité de découvrir un secret enfoui depuis la nuit des temps.


Mon avis :

Pour ceux qui ne le connaissent pas, "La nuit des temps" est l'un des romans les plus connus de René Barjavel, lui-même un des plus grands auteurs de science-fiction français. Il a d'abord été écrit sous la forme d'un projet de scénario pour un film à gros budget, avant d'être transformé en roman quand il s'est avéré que le film ne serait pas réalisé. Le roman a été publié pour la première fois en 1968 et continue à bien se vendre.

Voici donc encore un livre que j'ai découvert à l'adolescence et que je relis quinze ans plus tard. A l'époque, il ne m'avait pas laissé un souvenir très prononcé : je me souvenais vaguement d'une histoire d'amour sur un fond de science-fiction, d'un retournement final de situation, et grosso modo d'une lecture qui m'avait plutôt agacée qu'autre chose. Mais comme ça reste un grand classique d'un auteur reconnu (d'ailleurs ma première lecture avait été faite pour l'école), je me suis dit qu'il fallait que je lui donne une seconde chance : il était très possible qu'avec un peu de maturité, j'apprécie mieux les qualités de ce roman. Le Book Club de Livraddict m'a fourni l'occasion qu'il me manquait.
Eh bien laissez-moi tuer le suspense tout de suite : je reste sur ma première impression. Mon problème est que je n'étais pas très romantique à l'adolescence et je ne le suis pas devenue, ce qui fait qu'un roman dont une bonne partie de l'intrigue tourne autour d'une histoire d'amour profondément passionnée, ce n'est pas vraiment ce qui me convient.

Pourtant, ça commençait bien : une découverte scientifique tout à fait incroyable, un rassemblement de chercheurs et de techniques du monde entier, et une exploration progressive qui laisse la place à beaucoup de suspense entre des découvertes aussi surprenantes qu'inexplicables. On frôle aussi l'aspect géopolitique, avec une touche d'espionnage très prometteuse. Et puis... et puis on rencontre l'héroïne et l'intrigue se recentre sur une histoire d'amour que certains adoreront mais qui m'a plutôt refroidie. Si l'auteur avait continué sur la voie de la science-fiction pure, j'aurais adoré ce roman. Mais il a fait un autre choix.

Point de vue style, je vais encore nager à contre-courant ici, mais je n'ai pas tout à fait adhéré à celui (le style, pas le courant) de Barjavel. J'ai aimé sa construction de l'intrigue et les parties où il fait planer le suspense, beaucoup moins celle où il caricature Mr et Mme Toutlemonde et les passages trop cinématographiques, grandioses, ceux où il tente de donner au texte le rythme d'un film d'action. Il manque quelque chose, un peu de subtilité peut-être, des personnages plus nuancés et une intrigue moins orientée "amour - action". Ça sent trop la science-fiction pour adolescents.

Je ne peux pas m'empêcher de mentionner aussi un point qui m'a particulièrement choquée : le sexisme de cette histoire. Evidemment, les choses ont beaucoup évolué sur ce point depuis l'époque où ce roman a été écrit, mais c'est d'autant plus intéressant d'ouvrir les yeux sur les stéréotypes qu'on y trouve. La première femme que l'on y rencontre est une scientifique russe qui est traitée par son collègue américain d'une façon que l'on qualifierait aujourd'hui de harcèlement sexuel. Ensuite, il y a la véritable héroïne, Eléa, dont on ne sait qu'une chose : elle est belle - très belle - extrêmement belle - et très amoureuse. C'est tout. Sans trop en dire sur l'intrigue, elle devient d'ailleurs l'héroïne de cette histoire à cause d'une sélection basée sur des critères bien différents de ceux qui orienteront le choix du héros masculin... Et elle n'agit que pour retrouver l'appui masculin dont elle a besoin. René Barjavel n'a évidemment pas voulu dénigrer le genre féminin et n'a fait que refléter les préjugés de son époque, mais j'espère que les jeunes lecteurs actuels se rendent compte de l'image de la femme parfaite, belle, faible et dépendante, qui est véhiculée dans ce roman. Moi en tous cas je ne m'en étais pas rendue compte lors de ma première lecture quand j'étais adolescente, et ça me fait un peu peur.

Voici donc un roman qui se laisse lire mais qui n'était pas vraiment pour moi, malgré son succès. Je suis quand même contente, d'une certaine façon, de découvrir que mes goûts n'ont pas trop changé au fil des années !


Pour en savoir plus :
- la fiche Bibliomania du livre
- le Book Club de Livraddict
- la chronique de Lyra Sullyvan, pas plus enthousiaste que moi, celle de Frankie qui n'est pas fan non plus, et la chronique d'Ollie qui elle a beaucoup aimé
- acheter ce livre sur Amazon.

5 commentaires:

  1. Ce roman ne m'a jamais vraiment attirée : de Barjavel, je n'ai lu que L'Enchanteur, qui m'avait moyennement emballée.
    Ta chronique vient confirmer le fait que je ne loupe pas grand chose en faisant l'impasse sur ce classique ! Par contre, c'est vrai que le point de vue sur les femmes pourrait être intéressant à développer avec des ados ! Surtout si ce roman est proposé pour le cours de français!

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  2. Un petit peu plus enthousiaste que toi mais au final c'est juste parce que j'ai essayé de me concentrer plus sur l'aspect hors histoire d'amour. Mais c'est vrai qu'elle est pas mal présente dans la deuxième partie du bouquin et qu'elle est sacrément chiante. ^^
    Donc ouais, mitigée quand même.

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  3. Je n'avais pas aimé cette histoire trop vieillotte et dont l'histoire d'amour m'avait aussi laissée de marbre. Je suis assez d'accord sur tout ce que tu dis en fait ! :)

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  4. Aaah Nath, que je suis contente de lire ton avis ! En voyant tous les éloges pour ce livre sur Livraddict, je me demandais si j'étais la seule à avoir été mal à l'aise face au rôle "potiche" de la femme dans ce roman. Maintenant, je sais que non... Tu as lu d'autres romans de Barjavel depuis ? Sont-ils de la même teneur ?

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  5. Non, je n'ai rien lu d'autre, les défauts de celui-ci m'ont bien refroidie. Au book club j'ai aussi eu l'impression d'être la seule à être choquée, mais à l'époque j'avais noté quelques extraits que je viens de retrouver et qui me confirment dans mon impression :

    "— L’Ordinateur a choisi les femmes pour leur beauté et leur santé, et bien entendu aussi pour leur intelligence. Il a choisi les hommes pour leur santé et leur intelligence, mais avant tout pour leurs connaissances."

    (quand au cours des fouilles ils tombent sur un "mur" de métal :) "Léonova était mince et brune, nerveuse. C’était la plus jolie femme de l’expédition. Hoover la regarda en souriant. — Quoi ! Vous ne l’avez pas reconnu ? Vous, une femme ?... C’est de l’or !..."

    (quand il faut décider de réanimer d'abord l'homme ou la femme :) "— Je m’y oppose ! Vous savez bien qu’elle ne pourrait pas refabriquer son sang assez vite. Vous demandez qu’on la sacrifie. Je m’y refuse ! — Elle est belle, c’est certain, mais devant le cerveau de ce type, elle ne fait pas le poids."

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