01 mai 2013

Les Hauts de Hurlevent, d'Emily Brontë


Sur un coup de tête (ou plutôt un coup de coeur), je me suis replongée dans ce roman passionnant, sombre et violent. Un classique qui sort de l'ordinaire ! 


Résumé :

En cette fin de XVIIIème siècle, Mr Lockwood rend visite au propriétaire de la maison qu'il loue en plein coeur de la campagne anglaise la plus solitaire. Il découvre une famille pour le moins étrange : le sombre maître des lieux, un jeune homme bourru et pas éduqué, une jolie jeune femme hargneuse et un vieux serviteur pharisien, tous unis par la méchanceté et la haine les uns des autres. Forcé par une tempête de neige à rester loger sur place, Mr Lockwood découvre quelques livres marqués de variations sur le même nom : Catherine Earnshaw, Catherine Heathcliff, Catherine Linton. Quelle est l'histoire de cette famille si mal assortie ?  Qui était la fameuse Catherine qui semble au coeur de toute cette violente passion ?


Mon avis :

En participant au Book Club d'avril sur Jane Eyre, je me suis rendue compte que je n'avais jamais commenté ce très beau roman qu'est "Les Hauts de Hurlevent". J'ai donc été prise d'une envie subite de le relire, en VO pour la première fois, et de vous le présenter.

Au moment de sa sortie en 1847, les Hauts de Hurlevent ont beaucoup choqué lecteurs et critiques. Il a d'ailleurs été d'abord refusé par les éditeurs et n'est paru que suite à l'immense succès que la soeur d'Emily, Charlotte, a connu avec Jane Eyre. Il faut dire que Jane Eyre est une histoire d'amour plutôt classique, d'un romantisme agréable qui distingue bien les gentils et les méchants. Les Hauts de Hurlevent, c'est au contraire une histoire de passion, de vengeance et de haine, un tourbillon centré autour de deux personnages dont l'amour va déchirer deux familles sur deux générations.

Ce roman est un véritable ovni dans la littérature de l'époque. C'est de la littérature romantique, avec une bonne dose de gothique, mais surtout avec un aspect peu présent dans les autres romans de sa catégorie : une grande violence. Cette violence se retrouve dans les sentiments qui marquent l'intrigue : les personnages aiment à en mourir, haïssent à s'en détruire moralement, ils se laissent emporter par leurs passions comme par un torrent. Violence dans les paroles, aussi : on est loin de l'amour courtois et du langage châtié de Jane Eyre et Mr Rochester, ici on s'insulte sans cesse, on se menace de mort pour un rien, et le temps qui a démodé la langue n'a rien enlevé à la force des injures. Violence enfin jusque dans les actes : pour ne citer que les exemples les plus terribles, on trouve dans ces pages deux enfants battus (dont l'un échappe de justesse à une mort accidentelle), un enlèvement avec séquestration, une profanation de tombe et une tentative de meurtre qui se termine par un tabassage en règle. Voilà qui est bien surprenant sous la plume d'une jeune femme, fille de pasteur !

Je ne voudrais pourtant pas vous faire peur, futurs lecteurs, car ce roman, je l'ai adoré depuis ma première lecture. Il y a quelque chose de terriblement puissant dans le destin qui va croiser ces deux familles. C'est peut-être dû au huis-clos à l'atmosphère envoûtante : de la première à la dernière ligne, le lecteur se retrouve plongé au milieu de la lande anglaise. L'espace où s'inscrit l'intrigue est réduit à deux maisons séparées par quatre "miles" de chemins boueux : d'un côté, La Grange, un beau manoir bien comme il faut, et de l'autre, Les Hauts, une ferme-manoir très ancienne, sombre et battue par les vents. Sans jamais s'attarder sur les descriptions, l'auteure crée une atmosphère d'époque très réaliste, du lit en bois de Catherine aux jardins et écuries, en passant par la cuisine et la grande salle, les seules pièces chauffées de cette maison qu'on devine glaciale en hiver. On s'y lève longtemps avant le jour, on s'y couche avec le soleil, on devine une vie de travail campagnard, sans grand plaisirs, une monotonie qui est peut-être à l'origine de la passion qui dévore les habitants de l'intérieur...

Une autre chose qui surprend, c'est le côté mauvais de tous les personnages. L'auteure n'en a pas épargné un seul, même si elle laisse au lecteur le soin de les juger. Même la narratrice, Nelly, n'échappe pas à la règle : son rôle dans les évènements est loin d'être irréprochable et par moments, elle se présente elle-même comme une langue de vipère trop sûre de son jugement et peu fiable. C'est d'ailleurs assez étonnant de trouver une domestique dans un rôle aussi important : d'habitude, ils sont réduits au statut d'ombre serviable sans jugement ni caractère. Mais dans le monde fermé des Hauts, c'est Nelly qui éduque les enfants, qui dirige la maison, qui sert de confidente, et elle se permet aussi de réprimander les maîtres quand elle le juge nécessaire.

Il va falloir que je m'arrête un jour, je pourrais remplir des pages et des pages en vous parlant de ce roman qui me fascine. Où la petite Emily Brontë a-t-elle trouvé un tel univers, comment a-t-elle pu si bien en parler ?  La seule chose que je reproche à ce roman, c'est le langage à peu près incompréhensible de Joseph ; la transcription de son accent du Yorkshire est largement passée par-dessus la tête de mon anglais classique. C'est un peu dommage, car j'ai l'impression d'avoir raté un personnage haut en couleur.

Voilà un livre qu'il faut lire si vous cherchez de l'histoire et de la passion, du gothique et de la violence, de la beauté et de la haine. Cette histoire a un petit côté "Dallas" version XVIIIème siècle, elle est pleine de méchants qu'on adore détester et de gentils qui deviennent méchants ou se font écraser.  Elle donne un aperçu de ce que la langue anglaise classique devient si on remplace la politesse par les insultes. Et, si la vengeance et la haine sont souvent au menu, on y trouve aussi beaucoup d'amour et une bonne dose d'espoir.


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13 commentaires:

  1. Waouh, ta chronique est tout simplement parfaite. Et ça y est, maintenant j'ai une folle envie de le relire :)

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  2. Et dire que je ne l'ai jamais lu... ! En plus, ce n'est pas faute d'avoir une édition toute jolie dans ma bibliothèque.
    "Il y a quelque chose de terriblement puissant dans le destin qui va croiser ces deux familles." je crois que tu as trouvé la phrase juste pour donner envie :)

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  3. Je l'ai téléchargé sur ma liseuse je pense que je vais pas tarder a m'y plonger car ta critique me donne vraiment envie!

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  4. Je suis contente de susciter des vocations et j'espère que ce roman vous plaira autant qu'à moi :)

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  5. C'est clair qu'il faudrait que je le relise aussi, ça fait 6 ans et je dois dire que la seule chose dont je me souvienne c'est "Coup de Coeur !!!" =)

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  6. Je savais que j'aurai pas du lire ta chronique ... entre toi et Iluze ...

    Heureusement, je l'ai dans ma PAL dans une jolie édition qu'on m'a offerte fin d'année 2012 :)

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  7. Tu me donnes envie de le recommencer illico ! Rien que d'y penser, j'ai le coeur qui palpite. C'est vraiment un roman qui m'a marquée.

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  8. Je l'ai lu il y a des années, beaucoup aimé... et téléchargé à nouveau sur ma liseuse! Une bonne soirée lecture en perspective, merci!
    Bisous

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  9. j'avais aussi été profondément marquée par ce roman et te lire en parler avec autant de passion me donne envie de le rouvrir. Pas forcément pour le relire en entier, mais juste pour picorer quelques passages (ce qui me connaissant se terminera de toutes façons en relecture complète, je le sens).

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  10. @Méloë : je fais la même chose, picorer des passages de romans qui m'ont plu, et comme toi je finis souvent par une relecture en entier :D

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  11. Tu me donnes bien envie de le relire ! Je l'ai lu en VO il y a des années et des années et j'avais beaucoup aimé à l'époque.

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  12. Ma foi tu as tout dit ! je l'ai relu l'année dernière mais je n'arrivais pas à écrire dessus, parce qu'il me manquait le mot "violence" . Pourtant c'est totalement ça, même l'amour l'est dans ce livre.
    Merci pour cette belle chronique :)

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  13. J'adore lire et relire ce roman il est vraiment splendide!

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