18 février 2013

Les Mille et Un Fantômes, d'Alexandre Dumas


Attention aux fantômes perdus dans l'Histoire...


Résumé :

Un jour de chasse, Alexandre Dumas se retrouve par hasard au milieu d'un drame de village : un homme qui vient de s'accuser du meurtre de son épouse, à laquelle il a coupé la tête, raconte que cette tête lui a parlé après avoir été décapitée.  Plus tard dans la journée, Dumas se retrouve chez le maire du village qui a invité quelques amis à souper, et la conversation porte tout naturellement sur le côté fantastique de ce drame : est-ce possible ?  Peut-on être sûr que la décapitation enlève immédiatement la vie ?  Les morts ont-ils encore les moyens de nous contacter ?  Et chaque invité a justement sa petite histoire à raconter sur le sujet...


Mon avis :

Vous saviez qu'Alexandre Dumas avait écrit des récits fantastiques, vous ? Moi non plus, il a fallu le challenge Fant'classique d'Iluze pour me l'apprendre. La question suivante est donc : comment le grand auteur de romans historiques s'en sort-il quand il traite de sujets surnaturels ?

Eh bien il continue à appliquer les bonnes vieilles recettes qui l'ont si bien servi par le passé. D'ailleurs, il l'explique dès la préface : en s'adressant à un "cher ami" non identifié qui lui a demandé quelques contes entre deux "romans interminables comme j'en écris" (bravo pour l'auto-dérision), il explique que ce qui fait de lui un si bon conteur, c'est qu'il a la chance d'avoir rencontré ces hommes de la génération précédente qui étaient tellement plus élégants dans leur art que ceux des générations qui suivent. Ce genre de passage a le don de m'énerver et de m'amuser à la fois ; ça me rappelle un lointain cours de latin (ou était-ce du grec ?) où on avait traduit un texte d'un auteur antique qui se plaignait des "moeurs actuels", de ces jeunes qui ne faisaient plus rien correctement, n'étaient plus polis, etc... en terme tellement contemporains que c'en était très comique. Comme quoi, à toutes les époques il y a toujours des vieux cons gens pour se plaindre que "c'était mieux avant".

Bref, je m'égare. On parlait des vieilles recettes d'Alexandre Dumas. Par exemple, il adore les descriptions et les mises en contexte. Dans ce roman pourtant court, il se lâche. Il commence par nous raconter ses habitudes de chasse, et puis comment il en arrive à aller chasser à un tout nouvel endroit, et puis la route pour y aller, avec au passage une description des carrières sur le chemin et quelques paragraphe sur leur fonctionnement un peu particulier, puis il nous parle de la chasse décevante qui l'amène à filer en douce et à se retrouver dans le village voisin où, devant lui, un homme étrange court jusqu'à la maison du maire pour s'y dénoncer comme meurtrier... A ce moment-là, il décrit avec tellement de précision la position des différentes personnes qui assistent à la scène que j'en ai déduit que ça allait être important pour résoudre un futur mystère. Même pas. Ensuite on passe à la narration détaillée de la constatation du crime, puis on arrive chez le maire, qui nous présente assez longuement sa maison et ses invités... Et seulement là, la véritable histoire peut commencer. Ouf ! Je lui pardonne en partie parce que la plume d'Alexandre Dumas est tellement agréable que c'est un plaisir de le lire, mais couper un peu plus court n'aurait pas fait de mal.

L'autre truc de Dumas, ce sont les romans historiques, et même quand il s'agit d'histoires de fantômes, il arrive à les caser dans un contexte très particulier. Devinez : en sachant que les narrateurs se réunissent vers 1820 et qu'on y parle beaucoup de têtes coupées ?  La révolution française, bien sûr.  Alors du coup, les histoires ne sont pas particulièrement effrayantes en soi, mais l'environnement de guillotinés par milliers et de déterrage des restes des rois de France, entre autres, c'est plutôt glauque. D'un autre côté, on y croise Marie-Antoinette, Charlotte Corday ou Marat, ce qui donne à ces petits récits un arrière-plan quasiment grandiose. Mais on fait aussi un petit tour en Suisse, et un autre en Pologne, carrément.  Ce qui est certain, c'est qu'à chaque fois, le contexte historique ou géographique fait bien partie de chaque histoire et leur apporte une bonne partie de leur cachet.

Au départ, l'excuse de toutes ces histoires, c'est le débat scientifique concernant la vie après la mort : meurt-on immédiatement quand la tête est séparée du corps ?  L'esprit une fois libéré de la chair peut-il encore se manifester ? C'est un prémisse assez amusant pour des histoires de fantômes, et avec le recul des années et les progrès de la science, les arguments avancés sont carrément rigolos. C'est d'autant plus spécial que le seul véritable scientifique de l'histoire, un docteur, est clairement traité avec mépris par le narrateur. Alexandre Dumas croyait-il à la vie après la mort ou nous donne-t-il cette impression pour les besoins de son récit ?

Finalement, le seul vrai défaut que je trouve à ce petit récit constitué de plusieurs histoires au final assez amusantes, c'est la fin brutale. C'est d'autant plus étonnant que ça contraste terriblement avec le début si élaboré. Une fois la dernière histoire racontée, il reste une poignée de phrases qui peuvent se résumer par "et voilà, mon histoire est finie". Euh... C'est tout ?  Tant qu'à faire, j'aurais préféré que Dumas nous épargne son intro ultra-longue et sa fin bâclée, et présente ces histoires comme une collection de nouvelles - notez au passage que certaines ont en effet été éditées séparément, comme "La Dame pâle" qui est la dernière de ce livre. Oui mais... je ne sais pas. Cette narration continue, c'était une bonne idée après tout. Mais la fin méritait mieux que ça.


Pour en savoir plus :

1 commentaire:

  1. J'ai lu La dâme pâle du Sieur, faudrait que je lise d'autres histoires (tout comme les célèbres Mousquetaires :p)

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