09 février 2013

La peste, d'Albert Camus


La Peste, ou l'histoire de l'horreur qui s'abat sur les hommes...


Résumé :

Un jour d'avril, à Oran (Algérie française), le docteur Rieux découvre un rat mort devant sa porte.  Bientôt, toute la ville fait la même expérience car les rongeurs viennent par milliers mourir à l'air libre.  Quelques temps plus tard, le docteur Rieux découvre que son concierge, malade, est en fait atteint de la peste. Devant l'épidémie qui menace, la ville ferme ses portes et met en place des mesures exceptionnelles. Pendant presque un an, les habitants d'Oran sont enfermés et confrontés à la mort quotidienne. Chacun réagit différemment à cette expérience traumatisante.


Mon avis :

Je n'ai lu de Camus que trois romans : La chute, L'étranger et maintenant La peste. A chaque fois, j'ai cette même impression de sens caché derrière une histoire simple. La narration, bien que superbe, peut se résumer en quelques mots ; mais aucun autre mot du livre n'est superflu, car l'histoire n'est qu'une façon de nous faire ressentir quelque chose de plus grand, quelque chose qui doit interpeller le lecteur, peut-être même chaque lecteur de façon différente.

Ici, il s'agit tout simplement de la chronique d'une épidémie.  Le narrateur, qui au début ne veut pas se nommer mais qu'on identifie facilement, suit la maladie depuis ses premiers signes jusqu'à sa disparition complète. Il est au coeur des événements et peut témoigner en ce qui concerne à peu près toutes les décisions prises, la gestion publique de la crise, son évolution. Mais il est aussi un fin observateur des êtres humains, et c'est ce qui rend son histoire si intéressante.

Je vous parlais de ce petit quelque chose qui doit interpeller le lecteur ; ce qui m'a interpellé, c'est la passivité des habitants de la ville d'Oran.  Tout au long de cette histoire, ils refusent d'en voir l'horreur. Ils se rebellent un peu contre l'enfermement auquel ils sont forcés quand les portes de la villes sont fermées, mais tandis que la situation se détériore, que les gens meurent comme des mouches, les citoyens qui ne sont pas directement touchés par la maladie se comportent comme si elle n'existait pas.  Ils laissent la bureaucratie et les autorités prendre soin de tout et ne semblent pas se révolter, même quand leurs voisins tombent malade, meurent, puis sont enterrés à la va-vite par nécessité. Il n'y a aucune panique, aucune colère, à peine de la résignation ; c'est surtout un manque de réaction qui m'a mise terriblement mal à l'aise.

Le récit alterne donc entre des scènes de véritable tristesse, quand le narrateur nous confronte directement à la souffrance d'une famille touchée par la maladie, et une froideur impressionnante, quand l'attention se reporte sur le reste de la population. Comme si la société en tant que telle perdait toute humanité et cachait en son sein, loin des yeux, les douleurs individuelles.  C'est pour ça que je ne m'avance pas trop en considérant cette peste comme une métaphore pour une autre peste qui, à la sortie du roman en 1947, venait juste d'être guérie : la peste du nazisme. La façon dont chaque citoyen essaie de continuer à vivre sa vie normalement tout en fermant les yeux sur les voisins qui disparaissent les uns après les autres, c'est exactement l'atmosphère que j'imaginerais en Allemagne dans les années 30.

Les personnages principaux représentent tout un spectre de réactions à la "peste". Il y a le docteur Rieux, au coeur des événements, qui dès le début refuse de fermer les yeux et se bat jour à près jour, touchant par l'impuissance qui le fait souffrir ; il y a Cottard, qui profite de la situation ; Tarrou, étranger à la ville, mais qui pourtant n'hésite pas à risquer sa vie pour aider les malades ; Rambert, l'autre étranger qui ne veut pas être mêlé à tout ça et fait tout pour fuir ; Grand, qui supporte tout en concentrant son attention sur une tâche sans fin ; le père Paneloux, qui est obligé de remettre en cause ses certitudes... Chacune de ces réactions pourrait sans trop de difficultés être transposée dans le contexte d'un pays soumis à un régime totalitaire. L'atmosphère est complétée par les problèmes matériels auxquels sont confrontés les habitants d'une ville soumise à la quarantaine, le même type de restrictions auquelles serait soumis un pays en guerre.

En résumé, au-delà de la chronique d'une ville souffrant de la peste, ce roman décrit une société soumise à un régime autoritaire et meurtrier. C'est un texte prenant et surtout interpellant, dont l'atmosphère laisse un souvenir assez tenace.  Un classique à lire. 

Pour en savoir plus :


5 commentaires:

  1. Merci pour cette chronique Nath. J'ai tendance à confondre ce livre avec la nausée de Sartre (tout deux non lus). Maintenant, je comprends enfin de quoi ça parle !

    RépondreSupprimer
  2. C'est marrant de confondre ça avec la nausée qui me semble très différent (mais je ne l'ai pas lu non plus !)... Ceci dit je confonds aussi des trucs rien à voir, les voies du cerveau sont impénétrables :P

    RépondreSupprimer
  3. J'ai bien l'intention de lire un peu d'Albert Camus cette année: c'est une année d'anniversaire pour cet écrivain. J'ai ressorti mes vieilles éditions de ma bibliothèque (quatre livres au format Folio), et lancé un défi à son sujet. Affaire à suivre!

    RépondreSupprimer
  4. DF, ce challenge est une tentation tout à fait vile. Je cours voir de quoi il retourne !

    RépondreSupprimer
  5. J'ai lu ce livre l'année dernière ;) C'est vrai qu'il est prenant avec une atmosphère dure...

    RépondreSupprimer